Article de Jean Planche in Artension N° 47 Mai-juin 2009.
Anne Mandorla Anthropologie poétique
- Peinture nomade n° 988
Les peintures récentes d’Anne Mandorla sont des œuvres de terrain, produites au cours de séjours qu’elle fit dans le Sud marocain, ou à partir d’eux. Elle est allée y chercher d’autres contemporains, qui lui permettent en quelque mesure de se défaire des présupposés du monde dominant à travers une prise de conscience de la relativité des valeurs et des codes, à la manière de l’ethnologue, comme l’écrit l’anthropologue Claire-Cécile Mitatre dans la monographie que les éditions Somogy ont consacrée à Anne Mandorla.
Cette recherche d’un ailleurs, et particulièrement du côté du Nord de l’Afrique, n’est bien sûr pas nouvelle, ainsi que le rappelle l’historienne d’art Christine Peltre dans le même ouvrage, et Anne Mandorla s’inscrit délibérément à la suite d’un Klee parcourant la Tunisie et l’Egypte ou d’un Dubuffet au Sahara. Car c’est en peintre d’abord qu’elle part à la recherche de la lumière et de la couleur, des géométries ondulatoires que proposent textiles et décors, après Klee, tout comme l’usage des poudres colorées et des pigments naturels est en un autre sens peinture de terrain puisque ce sont, ainsi que chez Dubuffet, les matières des sols et des textures qui deviennent le sujet de l’œuvre. En notant toutefois qu’Anne Mandorla préfère aux hautes pâtes la légèreté et le jeu des transparences moirées qui viennent caresser la fragilité des papiers de riz ou donner à la toile une consistance qui hésite entre le fondu des vieux murs et la patine d’un cuir.
Un autre point rapproche Anne Mandorla de l’ethnologie, et de l’archéologie : son choix d’aborder ce monde différent par ses objets, selon un « parti pris des choses » qui fait de son travail une anthropologie poétique. Le paysage se résume à l’essentiel : on revit, « sur le sable et sous le ciel », ces « séances d’immensité » devant un « épiderme de planète » qu’ont décrites artistes et écrivains du dix-neuvième siècle. Et nul doute que l’on verra encore reculer là-devant ceux dont Baudelaire disait que le ciel et le désert les épouvantent.
Encore qu’ Anne Mandorla tamise cette expérience d’une douceur essentielle, par sa manière d’accompagner les décolorations, par le plissé des ocres dorés ou éteints. Et puis par la mise en suspens des objets, reliés à des structures premières : le tissage des lattis ou celui des rais de lumière ; les liens de fagots, bouquets de choses, toupets, toutes sortes de bâtons, de l’usuel au rituel.
Si l’ethnologie, enfin, nous apprend que le grand nomadisme, depuis quelques dizaines d’années, s’est quasiment éteint dans le Sahara atlantique, ce mode de vie n’en demeure pas moins une valeur dont certains se revendiquent. C’est une expérience du dénuement et de l’impermanence des choses, qu’un peintre d’aujourd’hui a voulu rejoindre dans ses ateliers de fortune.
Pour accompagner cette exposition itinérante, les éditions d’art Somogy viennent de publier la monographie “Anne Mandorla, Peintures nomades”, comportant des textes de l’artiste, de l’historienne d’art orientaliste Christine Peltre,et de l’ethnologue Claire-Cécile Mitatre, et illustré de quatre - vingt reproductions de peintures et gravures.
Anne MANDORLA, née en 1953 en Lorraine, vit et travaille en Ile-de-France.
Formation : Ecole Nationale des Beaux-Arts de Nancy. Licence d’Arts Plastiques, Paris - Sorbonne. Maîtrise d’Histoire de l’Art, Université de Nancy.
Expositions personnelles récentes :
2009 : « Peintures nomades », Espace Culturel A. Malraux, Kremlin-Bicêtre.
2000 à 2009 : « Mandorles », Galerie Dhalgren : www.dhalgren.net.
2008-09 : « Borassus », Halle Saint-Pierre, Paris.
2008 : « Gravures et peintures nomades », Galerie La Hune - Brenner, Paris.
« Peintures nomades », Orangerie de Cachan.
Résidence d’artiste, atelier de gravure de Tétouan, Institut Français Nord –
Maroc.
2005 : Galerie de Ballens, Morges, Suisse.
« Peintures nomades », Galerie Médiart, Paris.
GALERIE DELACROIX
86 Rue de la Liberté, 90000 Tanger, Maroc
du 22 mai au 16 juin